N°2 / juin 2025
« La Maison »
Lieu de la sécurité, du repos, du chez-soi, elle l’est aussi de l’accueil, de l’ouverture. On rentre à la maison pour se refaire, mais c’est d’elle aussi qu’on repart pour le dehors, parfois moins hospitalier.
Édito

Le précédent édito s’achevait sur ce terme. Lorsque des adultes, éducateurs, enseignants actuels et anciens, anciens élèves, parlent de Saint-Alyre, le mot « Maison » revient fréquemment ; c’est aussi le mot spontané des sœurs ; la prochaine livraison de cette Gazette permettra de voir s’il reste opportun, et porteur de sens, chez les élèves.

Au-delà du « bâtiment où l’on établissait son logis », la « maison » évoque des conventions communes, une tradition partagée ; elle dit une familiarité, une appartenance éprouvée – avec mille nuances – par ses hôtes. Lieu de la sécurité, du repos, du chez-soi, elle l’est aussi de l’accueil, de l’ouverture. On rentre à la maison pour se refaire, mais c’est d’elle aussi qu’on repart pour le dehors, parfois moins hospitalier.

Nos fondateurs (Angèle Merici, Pierre Fourier, Alix Le Clerc) ont eu à cœur d’offrir aux jeunes, et particulièrement aux filles, déconsidérées à leur époque, ces espaces de sécurité où l’on peut, pour un temps, trouver la stabilité nécessaire à une saine croissance ; Alix Le Clerc, désireuse de « faire une nouvelle maison de filles (c’est-à-dire une congrégation de religieuses), pour y pratiquer tout le bien que l’on pourrait », emploie spontanément le terme. Mais on ne reste à la maison que pour repartir là où nous appelle la vie adulte, et, s’il se peut, y faire fructifier ce qu’on a reçu.

Comment parler de la « Maison » sans évoquer celles et ceux qui, moins visibles que les enseignants et les éducateurs, contribuent les premiers à la rendre hospitalière et habitable à tous ? Bien sûr, l’équipe de direction, les équipes administratives ; les personnes chargées de l’entretien, l’équipe chargée de la restauration scolaire, grâce auxquelles tous bénéficient de lieux accueillants, d’un cadre agréable, de pauses reconstituantes… Mais aussi les bénévoles des associations ; ceux qui interviennent ponctuellement auprès de groupes d’élèves, pour des services divers… : les fournisseurs, artisans, prestataires de services, qui constituent autant de partenaires, et la liste n’est probablement pas exhaustive … Une « Maison », c’est aussi un vaste réseau de relations qui rend possible et irrigue la tâche éducative, pour la croissance non seulement des élèves, mais de la communauté éducative tout entière. C’est, à sa place, une parabole de la « maison commune » chère au pape François, où se vit le soin des personnes et de leur environnement. Bonne lecture !

Sœur Saint-Pierre
pour le comité de pilotage de la dévolution.

le récit
À Saint-Alyre
XVIIème – XIXème siècle
17ème et 18ème siècles : la querelle du jansénisme pénètre à Saint-Alyre et provoque chez les théologiens disputes et controverses, abondamment consignées par écrit. De nombreux historiens travaillent à Saint-Alyre, sur la vie de Saint Alyre, l’histoire de l’abbaye...

« L’escalier suspendu sur une arcade dont les marches ont environ une toise de large » est toujours là ainsi que le bâtiment du « dortoir neuf » (actuel « corridor de la Sainte Vierge ») datant de 1680 et prolongé en 1780 en même temps que le second étage et le fronton extérieur resté inachevé. Et encore l’escalier à vis dit « escalier de la tour » qui conduisait aux appartements du Père Abbé et … toutes les fondations des constructions autour de la cour intérieure : salle voûtée, passages, caves, salle murée (sous la chapelle)…

Dans l’enclos s’élève un monticule : la Rochette ; en 1783 on fit creuser une cave dans l’espoir d’y entreposer le vin du monastère jusque-là mis en réserve vers Saint-Genès ; mais la roche bitumineuse donnait mauvais goût au vin… On résolut alors de niveler la crête du rocher pour y installer une terrasse.

Au moment de la révolution, il ne restait que 12 moines à Saint-Alyre ; sous l’Empire, ce qui subsiste de Saint-Alyre servira de casernes de passage.

Les troupes y achèveront les dégradations.

Les Ursulines en Auvergne...

Le 11 juin 1615, le monastère des Ursulines de Clermont est fondé par la mère Antoinette Micolon, appelée d’Ambert par l’autorité diocésaine.

Elle y demeure jusqu’en 1618. À son départ, Mgr Joachim d’Estaing sollicite de l’archevêque de Lyon une ursuline professe pour lui succéder : Clémence Ranquet arrive à Clermont le 27 mai 1621.

Le 7 aout 1620, l’évêque de Clermont obtient une bulle de Paul V pour l’érection du monastère des Ursulines du lieu, désormais solidement établi.

Le 26 juillet 1638, après avoir fondé Thiers, la mère Clémence Ranquet fonde à Montferrand le nouveau monastère, qu’elle gouverne jusqu’en 1645.

Après une longue correspondance entre Clermont et Paris en vue d’adopter les Constitutions et Règlements des Ursulines de la rue Saint-Jacques, l’agrégation du monastère de Montferrand à celui de Paris se réalise (1681).

En 1791, les Ursulines sont dispersées : leurs couvents confisqués. Un certain nombre d’entre elles sont incarcérées à Clermont.

Les Ursulines... sur la terre de Saint-Alyre

Le 9 avril 1807, un décret impérial accorde aux Ursulines l’autorisation légale de reconstituer leur monastère dans l’ancienne abbaye bénédictine de Saint-Alyre. Cette abbaye n’était plus que ruines. Néanmoins, répondant à l’appel de Mgr Duwalk de Dampierre, Mère Saint Pierre Bravard, professe de Montferrand, accepte l’entreprise.

Le 13 janvier 1808 une vingtaine de religieuses, venues de toute l’Auvergne, se groupent autour de la nouvelle fondatrice pour constituer le monastère actuel de Saint-Alyre, avec les Constitutions et Règlements de Paris, comme à Montferrand.

En 1810, un décret impérial autorise l’exercice par les ursulines des fonctions de l’enseignement.

À partir de 1819, les constructions vont bon train. Deux ans plus tard, la chapelle pouvait être inaugurée. Cette même année, on devait attendre vainement le passage de la duchesse de Berry revenant du Mont-Dore et pour qui les Ursulines avaient préparé un appartement ! (les classes du perron).

En 1854 on fait l’acquisition du Calvaire qui redevient comme autrefois la propriété du Monastère. Les pensionnaires reprennent le chemin de la terrasse.

En 1860 on inaugure le nouveau corps de logis (les bâtiments des classes de 1ère division).

La Communauté compte alors 100 religieuses pour 110 pensionnaires : comme personne ne franchit la clôture, il n’y a pas d’externes !

En 1865 c’est le bâtiment de la porte réservé aux « petites », l’aménagement de la cour d’entrée où les voitures ont remplacé les jets d’eau, du cabinet de physique, du jardin botanique, et le premier numéro de l’Écho de Saint-Alyre.

En 1870 , comme en 1916 et en 1940, Saint-Alyre abritera un hôpital militaire.

En 1874 on restaure la chapelle et on construit l’aumônerie. À cette occasion, les Anciennes font don d’une statue de la Vierge : Notre-Dame de Souvenance sera exécutée par Jacometti, directeur du Musée du Vatican, en marbre de carrare.

La ville interdit aux Ursulines, en 1885, d’inhumer les défunts à l’intérieur du monastère.

On édifie, dans l’antique église dédiée jadis à Sainte George, l’oratoire des enfants de Marie ; et, dans le jardin, une chapelle dédiée au Sacré-Cœur, entre 1890 et 1892.

Les Ursulines ouvrent une bibliothèque pour les anciennes élèves en 1895.

LA CONGRÉGATION NOTRE-DAME ET LES URSULINES DE SAINT-ALYRE

De « sombres temps », des fondateurs en connivence, une même visée éducative.

Vous, qui émergerez du flot
Où nous avons sombré
Pensez
Quand vous parlez de nos faiblesses
Aux sombres temps aussi
Dont vous êtes saufs.

Bertold Brecht
À ceux qui viendront après nous, poème d’exil (1943)

À un siècle d’écart : aux sources, à l’origine : des personnes, et les besoins d’un «monde comme il va».

Angèle Merici, fondatrice des ursulines
(1474-1540) Née à Desenzano, sur le lac de Garde

Le père lit à ses enfants la vie des saints ; probablement la Légende dorée de Jacques de Voragine, où Ste Angèle aura entendu la merveilleuse histoire de Ste Ursule et de ses 11 000 compagnes.

Devenue orpheline, elle est recueillie par un oncle maternel, à Salo. Elle se cantonne aux travaux durs d’une servante, qu’elle ne quitte que pour se rendre à l’église.

À l’âge adulte, retour à Desenzano : la vie cachée des paysans. Une vision lui promet l’institution d’une Compagnie de femmes consacrées … et reste dans le cœur d’Angèle comme un point d’interrogation. La vie ordinaire continue.

Le monde comme il va : époque, société …

À partir de 1516, Angèle reste à Brescia, jusqu’à sa mort.
En 1512, Bayard avait pris d’assaut Brescia que ses troupes mettent à sac.

Angèle s’emploie à consoler et à réconcilier. Même le duc de Milan, François Sforza, dépossédé de ses états par Louis XII, vient chercher réconfort auprès d’elle.
Et tout un groupe d’amies, femmes et jeunes filles, se forme autour d’elle.

Pour ce groupe non encore institué, Angèle a trouvé un lieu de rencontre, un oratoire qu’elle fait orner de fresques.

Elle lui fait partager sa sollicitude particulière pour les filles. Beaucoup sont orphelines du fait de la guerre et des maladies, recueillies dans les familles, comme elle l’avait été elle-même à Saló, ou placées comme servantes, quand elles ne sont pas ramassées à l’hôpital des incurables. Angèle s’inquiète de ces enfants : qui leur enseigne au minimum la foi et les bonnes mœurs ?
Ce sera la tâche du groupe : visiter ces petites, leur proposer un idéal de vie, veiller sur elles, au besoin les défendre.

Les Ursulines sont nées de cette idée d’une laïque.

Angèle n’a jamais voulu être religieuse, les couvents de Brescia, très relâchés, ne l’y incitant pas. L’institution de la Compagnie viendra en dernier lieu, cinq ans avant la mort d’Angèle. Le 25 novembre 1535, elles sont 28 à s’engager à suivre la règle qu’elle a rédigée, et qui ne comporte ni vœux ni vie commune. Simplement elles inscrivent leur nom dans le livre de la Compagnie de Sainte Ursule. Pourquoi ce patronage ? Parce que c’est la sainte qui entraînait à sa suite une multitude de compagnes.

Sainte Angèle ne les laisse pas seules ses compagnes : les laïcs seront le soutien de la compagnie et interviennent quand surgissent des difficultés : procès pour défendre les jeunes, menaces sur la compagnie.

C’est institutionnellement que Sainte Angèle a fait fond sur les laïcs, et cela dans sa conception même de l’éducation.

Élever, pour Angèle, c’est d’abord protéger. Elle pense en premier lieu aux orphelines, qui sont victimes d’abus de toute nature, ou abandonnées à elles-mêmes. C’est ensuite instruire, non de science profane, mais des connaissances nécessaires à vivre la foi en Jésus-Christ, avec un soin particulier apporté à leur initiation aux sacrements. C’est enfin les accompagner jusqu’à leur établissement, mariage ou entrée dans la compagnie. Et les moyens qu’elle préconise et qu’on n’a jamais cessé d’employer sont basés essentiellement sur la relation personnelle : exigence et douceur, importance de l’amitié conçue comme une valeur chrétienne, climat de joie au milieu des tristesses du temps.

Les traits de l’éducation qu’elle a tracés resteront des constantes dans l’éducation ursuline. Par contre, au-delà de son intention, la petite compagnie laïque va devenir un ordre religieux …

En 1545 s’ouvre le Concile de Trente. Il se propose la réforme des monastères et pour les femmes un retour à l’observation rigoureuse de la clôture. Or déjà à Milan celles qu’on appelle les Ursulines ont commencé à vivre en communauté et à recueillir des jeunes filles.

Comment dans ces conditions poursuivre l’œuvre de la Compagnie ? Voilà les Ursulines devant une alternative : il faut choisir entre la condition laïque et le cloître.

Cependant la règle de Sainte Angèle passe les Alpes : en 1572, première fondation à l’Isle-sur-Sorgue sous la même forme qu’à Brescia. Puis une propagation rapide dans toute la France ; partout les Ursulines seront cloîtrées, et les enfants élevées dans le monastère.

Angèle Merici fonde sa Compagnie en 1535 et meurt en 1540.
Pierre Fourier naît en 1565 et mourra un siècle après Angèle : 1640
Alix le Clerc : 1576-1622.

Ils ont en commun de mener une vie cachée, domestique ; de travailler comme le levain dans la pâte, à bas bruit, de cultiver l’attention à chacun, grands et petits – quelle que soit leur condition. C’est sur ces bases que les contours de leurs fondations se dessineront progressivement.

Aux origines de la congrégation notre dame
Pierre Fourier - Alix le Clerc
Tableau de saint Pierre Fourier à la basilique Saint-Pierre-aux-Liens

Mirecourt, où naît Pierre Fourier, appartient au duché de Lorraine, alors indépendant. Il étudie chez les jésuites à Pont-à-Mousson, y reçoit une formation humaine et théologique qui alimente la profondeur de sa vie spirituelle et de son regard optimiste sur l’homme.

• En 1585 il entre chez les chanoines réguliers de Saint-Augustin, dans une forme de vie religieuse qui permet une large action apostolique et pastorale. Il devient en 1597 curé de Mattaincourt, un gros bourg des Vosges. L’époque est un temps de profondes mutations sociales, intellectuelles, politiques et religieuses, elle bouillonne d’idées nouvelles : c’est là que Pierre Fourier développera son action. La société est foncièrement inégalitaire, et l’inégalité est fondée sur la naissance plus que sur la richesse. L’État comme la famille mettent en œuvre un pouvoir totalement patriarcal. Assimilée à un enfant mineur, la femme n’a aucune place dans la société. L’Église la considère comme un être faible et dangereux, tentatrice donc objet de méfiance. La société est imprégnée de foi … ou de croyances ; elle est violente dans l’expression des sentiments, la brutalité des mœurs. La religion, accompagnée de beaucoup de superstitions, exerce une emprise considérable sur la vie sociale et les comportements ; la vie humaine ne compte guère, les misérables sont légion.

La Guerre de Trente Ans (1618-1648) qui sévit à cette époque exacerbe ces violences et rend la situation des pauvres encore plut intolérable. La Lorraine, l’Alsace sont dévastées et mises à sac par le passage de tous les belligérants.

• Lorsqu’en 1597 Pierre Fourier devient curé de Mattaincourt, l’Église commence seulement à mettre en œuvre la réforme voulue par le Concile de Trente (1545-63), après une longue période de décadence. Il y a encore de nombreux abus, auxquels s’ajoutent l’ignorance du clergé et celle des fidèles : c’est l’Église qu’a connue Angèle …

Pierre Fourier est lucide sur les défauts de la société et de l’Église de son temps, dont il ne saurait s’accommoder. Il va donc s’employer, selon ses moyens,

– à lutter contre les abus et injustices de la société

– à rétablir une authentique vie chrétienne dans sa paroisse et partout où s’étend son influence. Pour lui, le renouveau pastoral va de pair avec l’amélioration de la condition sociale.

C’est bien pourquoi Pierre Fourier se préoccupe, à l’instar d’Angèle, de l’instruction et de l’éducation des enfants, notamment les filles des milieux populaires, tout à fait délaissées à cette époque.

Il est persuadé que l’éducation chrétienne et l’instruction des filles, tout en les aidant «à vivre et à bien vivre», peuvent et doivent conduire à une réelle transformation des familles et de la société tout entière.

• En 1597, une jeune paroissienne de Mattaincourt, Alix Le Clerc, vient trouver Pierre Fourier pour lui confier son désir de se donner à Dieu et de faire «une nouvelle maison de filles (congrégation de religieuses) pour y pratiquer tout le bien qu’on pourrait».

De la volonté de rénovation sociale de Pierre Fourier et de l’intuition d’Alix Le Clerc va naître, en 1597 (60 ans après la fondation de Ste Angèle : 1535) la Congrégation Notre-Dame, vouée à l’enseignement et à l’éducation des filles, dans des écoles ouvertes à toutes, où l’on mènera de front éducation chrétienne et formation humaine.

Ainsi, en répondant à un besoin prioritaire du temps, l’éducation des filles, la Congrégation va elle aussi travailler à la promotion de la femme en vue d’une transformation de la société.

Aux origines du réseau Alix notre-dame
Échange avec Jean-Michel Battut, délégué de tutelle de la Congrégation Notre-Dame
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Alix Le Clerc, Gravure de Herman Weyen.
Pour davantage d’informations, n’hésitez pas à consulter :

Congrégation Notre-Dame – Chanoinesses de Saint Augustin
cnd-csa.org

Réseau Alix Notre-Dame
alixnotredame.fr/la-congregation-notre-dame/

on vit quelque chose de particulier dans nos établissements. Les relations entre nous, avec les jeunes … Cela vient de vous, les sœurs, de votre modèle éducatif

Extraits du verbatim de la rencontre en visio, le 28 octobre 2022, avec Jean-Michel BATTUT, délégué de tutelle pour la Congrégation Notre Dame.

Jean-Michel Battut a été enseignant d’histoire-géographie puis chef d’établissement à Meudon pendant 30 ans, il a piloté la fusion avec un autre établissement. Il a siégé dans le conseil de tutelle de la Congrégation Notre-Dame comme délégué régional.

Le réseau :

À l’origine, une congrégation de plus de
400 ans, née en Lorraine. St Pierre Fourier (1565-1640) et la bienheureuse Alix
Le Clerc (1576-1622).
Il n’y avait rien pour les filles ; après le Concile de Trente, de nouvelles congrégations religieuses vont porter cette préoccupation.

Le réseau Alix-Notre Dame comporte 17 établissements en France, 25 000 élèves, 2500 adultes. Localisés dans l’Est (Nancy, Strasbourg, Épinal, Dijon), à Paris, en Normandie, sur le Centre-Sud (Moulins, St-Étienne, Voiron)… ainsi qu’ une école en Hongrie qui rejoint le réseau après le communisme. Réseau national d’une congrégation internationale, qui comporte d’autres réseaux.

Au départ, des établissements autonomes. 1 établissement, 1 monastère (régi par la clôture, avant Vatican II). Conscientes de façon précoce du tarissement des vocations pour les congrégations apostoliques, les sœurs créent en 1986 l’« association éducative Alix Le Clerc » où se rencontrent chefs d’établissement, responsables de communautés, Provinciales. Pour commencer à faire un réseau d’établissements.

Début 1990, les sœurs posent aux chefs d’établissement les questions suivantes :

Dans 50 ans il n’y aura plus de communautés dans les écoles, plus de religieuses en France : dans vos établissements, avez-vous l’impression de vivre quelque chose de particulier, une « couleur » ? Ou s’agit-il pour vous d’un établissement catholique lambda ?

  • Les chefs d’établissement répondent :
    « on vit quelque chose de particulier dans nos établissements. Les relations entre nous, avec les jeunes … Cela vient de vous, les sœurs, de votre modèle éducatif ».
  • Les sœurs : « dans ces conditions, il faut mettre des mots, connaître et nommer notre charisme, et bâtir un document de référence, pour continuer à vivre de cet esprit. »

Ce fut le début d’une aventure. Le document de référence s’intitule : « Notre tour de main » (téléchargeable sur les sites dont vous avez les liens ci-dessous). Il présente la congrégation, le charisme, la relation éducative… Les laïcs des établissements se trouvent partie-prenante de cette manière éducative de faire. Auparavant cela se transmettait par mimétisme, on le vivait sans qu’on ait besoin d’en parler ; il importe désormais de se réapproprier les choses.

« On nous a fait confiance a priori », reconnaît Jean-Michel Battut.

On est intégré, sur le même bateau, on veut la même chose : ça donne des ailes. On porte un charisme.

Jusqu’en 1994 la déléguée de tutelle est une religieuse ; on entre dans le compagnonnage laïcs-congrégation. En 1994 Jean-Michel Battut sera le premier laïc délégué de tutelle.

Il préside un conseil de tutelle où siègent des sœurs de la congrégation, des chefs d’établissement actuels et anciens, des anciens élèves et amis des établissements avec telle ou telle compétence…

Le réseau des établissements recouvre des réalités (établissements, populations, implantations) très différentes. C’est aussi sa richesse, qui favorise les échanges :
entre chefs d’établissements, adjoints pédagogiques, chargés de pastorale ; entre communautés éducatives, entre économes et intendants… Des temps de formation et de rencontre sont régulièrement proposés aux enseignants, aux personnels administratifs, éducatifs, aux présidents d’organismes de gestion…

Ce sont quelques aspects de la vie en réseau. La tutelle met en œuvre un accompagnement bienveillant, confiant, avec l’ambition de faire vivre l’esprit qui irrigue les établissements, pour qu’il transparaisse dans nos manières d’être et de faire.

NOS IDENTITÉS
Quelques témoignages sur Saint-Alyre
...où l’on entrevoit quelques fondamentaux éducatifs

Dans la perspective de la dévolution de la tutelle, dans le cadre de l’alliance avec le réseau de la Congrégation Notre Dame, les personnes qui constituent la communauté éducative avaient été sollicitées, le 13 janvier dernier – date anniversaire de l’arrivée des Ursulines à Saint-Alyre, en 1808, pour s’exprimer sur leur perception de l’identité de la « Maison ».

Les anciens élèves avaient y avaient été également invités, dans le cadre d’un « Forum Avenir » mis en place par une équipe d’enseignants, auquel sont conviés les bacheliers des cinq dernières années, et les lycéens de Saint-Alyre, avec leurs parents, pour venir parler « études », formations, entrée dans la vie professionnelle.

Voici quelques extraits d’expressions écrites, présentés de façon anonyme, avec simplement les indications qui permettent de situer d’où parlent les personnes. La parole sera donnée dans une prochaine livraison aux élèves actuels. Ceux qui ont pris la peine de consigner leur réflexion le font généralement de façon positive, avec gratitude ; cela n’empêche l’expression ni des attentes, ni des questionnements. Ces miscellanées ne célèbrent pas un passé révolu ; mais elles attestent l’enracinement dans une tradition dynamique et sont résolument tournées vers l’avenir.

Témoignage
Enseignante et ancienne élève

Parler de Saint-Alyre, c’est s’exposer à faire des confidences. Je ne peux le faire sans parler de mon parcours personnel dans cette belle « maison ». Le terme semble peu approprié pour un établissement scolaire et pourtant…

Parfois, on rencontre une personne sur notre route qui donne du sens à notre vie. Pour ma part, la rencontre avec Saint-Alyre, les sœurs et les personnes qui l’habitaient en 1976 aura forgé ma destinée et contribué à construire la personne que je suis devenue…

J’ai eu des professeurs attentifs à ma condition de pensionnaire à plein temps qui m’ont dispensé des conseils avisés et m’ont accompagnée de leur présence attentionnée … C’est grâce à eux que je n’ai jamais flanché.

Après 1981, après mon bac, je n’ai jamais pu couper le cordon : oraux d’entraînement en anglais ou en espagnol de temps à autre… En 1987, ma maîtrise en poche, à la recherche de quelques heures de cours dans l’une ou l’autre langue, voici que quelques heures d’anglais et d’espagnol me sont proposées …

Je ne suis plus jamais repartie ! Jusqu’à cette année 2025 où prend fin ma carrière d’enseignante. Je souhaite à tous mes jeunes collègues et aux futurs élèves de connaître dans cette « maison » dans laquelle je me suis sentie à l’abri. Le même bonheur que celui que j’y ai ressenti.  Être enseignante est une affaire de transmission de son savoir mais aussi des valeurs qui nous animent. Les miennes m’ont été léguées en partie par mes parents, mais aussi par toutes les personnes que j’ai côtoyées à Saint-Alyre, religieuses et professeurs qui m’ont transmis la rigueur, la bienveillance, la reconnaissance d’un travail accompli et la satisfaction d’atteindre ses objectifs.

L’existence de cette belle maison est basée sur un esprit de tradition et de transmission.

Je suis particulièrement émue de quitter cette maison qui vous l’aurez compris compte beaucoup pour moi, et bien au-delà de ce que les mots ne peuvent dire.

Un esprit de tradition et de transmission.